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LE PETIT-FILS ET LE GRAND-PÈRE.

et peu enclines à sonder les questions de paternité, et n’y entendant pas malice, n’avaient jamais su bien au juste duquel des deux Fauchelevent la petite Cosette était la fille. Elles dirent ce qu’on voulut, et le dirent avec zèle. Un acte de notoriété fut dressé. Cosette devint devant la loi mademoiselle Euphrasie Fauchelevent. Elle fut déclarée orpheline de père et de mère. Jean Valjean s’arrangea de façon à être désigné, sous le nom de Fauchelevent, comme tuteur de Cosette, avec M. Gillenormand comme subrogé tuteur.

Quant aux cinq cent quatrevingt-quatre mille francs, c’était un legs fait à Cosette par une personne morte qui désirait rester inconnue. Le legs primitif avait été de cinq cent quatrevingt-quatorze mille francs ; mais dix mille francs avaient été dépensés pour l’éducation de mademoiselle Euphrasie, dont cinq mille francs payés au couvent même. Ce legs, déposé dans les mains d’un tiers, devait être remis à Cosette à sa majorité ou à l’époque de son mariage. Tout cet ensemble était fort acceptable, comme on voit, surtout avec un appoint de plus d’un demi-million. Il y avait bien çà et là quelques singularités, mais on ne les vit pas ; un des intéressés avait les yeux bandés par l’amour, les autres par les six cent mille francs.

Cosette apprit qu’elle n’était pas la fille de ce vieux homme qu’elle avait si longtemps appelé père. Ce n’était qu’un parent ; un autre Fauchelevent était son père véritable. Dans tout autre moment, cela l’eût navrée. Mais à l’heure ineffable où elle était, ce ne fut qu’un peu d’ombre, un rembrunissement, et elle avait tant de joie que ce nuage dura