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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

— L’admirable jolie fille ! s’écriait-il. Et elle a l’air si douce et si bonne ! Il n’y a pas à dire mamie mon cœur, c’est la plus charmante fille que j’aie vue de ma vie. Plus tard, ça vous aura des vertus avec odeur de violette. C’est une grâce, quoi ! On ne peut que vivre noblement avec une telle créature. Marius, mon garçon, tu es baron, tu es riche, n’avocasse pas, je t’en supplie.

Cosette et Marius étaient passés brusquement du sépulcre au paradis. La transition avait été peu ménagée, et ils en auraient été étourdis s’ils n’en avaient été éblouis.

— Comprends-tu quelque chose à cela ? disait Marius à Cosette.

— Non, répondait Cosette, mais il me semble que le bon Dieu nous regarde.

Jean Valjean fit tout, aplanit tout, concilia tout, rendit tout facile. Il se hâtait vers le bonheur de Cosette avec autant d’empressement, et, en apparence, de joie, que Cosette elle-même.

Comme il avait été maire, il sut résoudre un problème délicat dans le secret duquel il était seul, l’état civil de Cosette. Dire crûment l’origine, qui sait ? cela eût pu empêcher le mariage. Il tira Cosette de toutes les difficultés. Il lui arrangea une famille de gens morts, moyen sûr de n’encourir aucune réclamation. Cosette était ce qui restait d’une famille éteinte ; Cosette n’était pas sa fille à lui, mais la fille d’un autre Fauchelevent. Deux frères Fauchelevent avaient été jardiniers au couvent du Petit-Picpus. On alla à ce couvent ; les meilleurs renseignements et les plus respectables témoignages abondèrent ; les bonnes religieuses, peu aptes