Page:Hugo - Les Misérables Tome V (1890).djvu/322

Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

mante petite noce que cela va faire ! C’est Saint-Denis du Saint-Sacrement qui est notre paroisse, mais j’aurai une dispense pour que vous vous épousiez à Saint-Paul. L’église est mieux. C’est bâti par les jésuites. C’est plus coquet. C’est vis-à-vis la fontaine du cardinal de Birague. Le chef-d’œuvre de l’architecture jésuite est à Namur. Ça s’appelle Saint-Loup. Il faudra y aller quand vous serez mariés. Cela vaut le voyage. Mademoiselle, je suis tout à fait de votre parti, je veux que les filles se marient, c’est fait pour ça. Il y a une certaine sainte Catherine que je voudrais voir toujours décoiffée. Rester fille, c’est beau, mais c’est froid. La Bible dit : Multipliez. Pour sauver le peuple, il faut Jeanne d’Arc ; mais, pour faire le peuple, il faut la mère Gigogne. Donc, mariez-vous, les belles. Je ne vois vraiment pas à quoi bon rester fille ? Je sais bien qu’on a une chapelle à part dans l’église et qu’on se rabat sur la confrérie de la Vierge ; mais, sapristi, un joli mari, brave garçon, et, au bout d’un an, un gros mioche blond qui vous tette gaillardement, et qui a de bons plis de graisse aux cuisses, et qui vous tripote le sein à poignées dans ses petites pattes roses en riant comme l’aurore, cela vaut pourtant mieux que de tenir un cierge à vêpres et de chanter Turris eburnea !

Le grand-père fit une pirouette sur ses talons de quatre-vingt-dix ans, et se remit à parler, comme un ressort qui repart :

— Ainsi, bornant le cours de tes rêvasseries,
Alcippe, il est donc vrai, dans peu tu te maries.

À propos !