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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

réunie dans la chambre de Marius au moment où Cosette entra.

Elle apparut sur le seuil ; il semblait qu’elle était dans un nimbe.

Précisément à cet instant-là, le grand-père allait se moucher, il resta court, tenant son nez dans son mouchoir et regardant Cosette par-dessus.

— Adorable ! s’écria-t-il.

Puis il se moucha bruyamment.

Cosette était enivrée, ravie, effrayée, au ciel. Elle était aussi effarouchée qu’on peut l’être par le bonheur. Elle balbutiait, toute pâle, toute rouge, voulant se jeter dans les bras de Marius, et n’osant pas. Honteuse d’aimer devant tout ce monde. On est sans pitié pour les amants heureux ; on reste là quand ils auraient le plus envie d’être seuls. Ils n’ont pourtant pas du tout besoin des gens.

Avec Cosette et derrière elle, était entré un homme en cheveux blancs, grave, souriant néanmoins, mais d’un vague et poignant sourire. C’était « monsieur Fauchelevent » ; c’était Jean Valjean.

Il était très bien mis, comme avait dit le portier, entièrement vêtu de noir et de neuf et en cravate blanche.

Le portier était à mille lieues de reconnaître dans ce bourgeois correct, dans ce notaire probable, l’effrayant porteur de cadavre qui avait surgi à sa porte dans la nuit du 7 juin, déguenillé, fangeux, hideux, hagard, la face masquée de sang et de boue, soutenant sous les bras Marius évanoui ; cependant son flair de portier était éveillé. Quand M. Fauchelevent était arrivé avec Cosette, le portier n’avait pu