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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

Marius, dont presque toutes les forces étaient revenues, les rassembla, se dressa sur son séant, appuya ses deux poings crispés sur les draps de son lit, regarda son grand-père en face, prit un air terrible, et dit :

— Ceci m’amène à vous dire une chose.

— Laquelle ?

— C’est que je veux me marier.

— Prévu, dit le grand-père. Et il éclata de rire.

— Comment, prévu ?

— Oui, prévu. Tu l’auras, ta fillette.

Marius, stupéfait et accablé par l’éblouissement, trembla de tous ses membres.

M. Gillenormand continua :

— Oui, tu l’auras, ta belle jolie petite fille. Elle vient tous les jours sous la forme d’un vieux monsieur savoir de tes nouvelles. Depuis que tu es blessé, elle passe son temps à pleurer et à faire de la charpie. Je me suis informé. Elle demeure rue de l’Homme-Armé, numéro sept. Ah, nous y voilà ! Ah ! tu la veux. Eh bien, tu l’auras. Ça t’attrape. Tu avais fait ton petit complot, tu t’étais dit : — Je vais lui signifier cela carrément à ce grand-père, à cette momie de la régence et du directoire, à cet ancien beau, à ce Dorante devenu Géronte ; il a eu ses légèretés aussi, lui, et ses amourettes, et ses grisettes, et ses Cosettes ; il a fait son frou-frou, il a eu ses ailes, il a mangé du pain du printemps ; il faudra bien qu’il s’en souvienne. Nous allons voir. Bataille. Ah ! Tu prends le hanneton par les cornes. C’est bon. Je t’offre une côtelette, et tu me réponds : À propos, je veux me marier. C’est ça qui est une transition ! Ah ! tu