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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

pour qu’il ne remarquât même pas le silence de Jean Valjean après sa question.

Jean Valjean, de son côté, semblait avoir une pensée unique. Il reprit :

— Il demeure au Marais, rue des Filles-du-Calvaire, chez son aïeul… — Je ne sais plus le nom.

Jean Valjean fouilla dans l’habit de Marius, en tira le portefeuille, l’ouvrit à la page crayonnée par Marius, et le tendit à Javert.

Il y avait encore dans l’air assez de clarté flottante pour qu’on pût lire. Javert, en outre, avait dans l’œil la phosphorescence féline des oiseaux de nuit. Il déchiffra les quelques lignes écrites par Marius, et grommela :

— Gillenormand, rue des Filles-du-Calvaire, numéro 6.

Puis il cria : — Cocher !

On se rappelle le fiacre qui attendait, en cas.

Javert garda le portefeuille de Marius.

Un moment après, la voiture, descendue par la rampe de l’abreuvoir, était sur la berge, Marius était déposé sur la banquette du fond, et Javert s’asseyait près de Jean Valjean sur la banquette de devant.

La portière refermée, le fiacre s’éloigna rapidement, remontant les quais dans la direction de la Bastille.

Ils quittèrent les quais et entrèrent dans les rues. Le cocher, silhouette noire sur son siège, fouettait ses chevaux maigres. Silence glacial dans le fiacre. Marius, immobile, le torse adossé au coin du fond, la tête abattue sur la poitrine, les bras pendants, les jambes roides, paraissait ne plus attendre qu’un cercueil ; Jean Valjean semblait fait