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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

C’était la providence apparaissant horrible, et le bon ange sortant de terre sous la forme de Thénardier.

Thénardier fourra son poing dans une large poche cachée sous sa blouse, en tira une corde et la tendit à Jean Valjean.

— Tiens, dit-il, je te donne la corde par-dessus le marché.

— Pourquoi faire, une corde ?

— Il te faut aussi une pierre, mais tu en trouveras dehors. Il y a là un tas de gravats.

— Pourquoi faire, une pierre ?

— Imbécile, puisque tu vas jeter le pantre à la rivière, il te faut une pierre et une corde, sans quoi ça flotterait sur l’eau.

Jean Valjean prit la corde. Il n’est personne qui n’ait de ces acceptations machinales.

Thénardier fit claquer ses doigts comme à l’arrivée d’une idée subite.

— Ah çà, camarade, comment as-tu fait pour te tirer là-bas de la fondrière ? je n’ai pas osé m’y risquer. Peuh ! tu ne sens pas bon.

Après une pause, il ajouta :

— Je te fais des questions, mais tu as raison de ne pas y répondre. C’est un apprentissage pour le fichu quart d’heure du juge d’instruction. Et puis, en ne parlant pas du tout, on ne risque pas de parler trop haut. C’est égal, parce que je ne vois pas ta figure et parce que je ne sais pas ton nom, tu aurais tort de croire que je ne sais pas qui tu es et ce que tu veux. Connu. Tu as un peu cassé ce monsieur ; maintenant tu voudrais le serrer quelque part. Il te faut la