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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

francs le mètre, les soixante lieues d’égouts du Paris actuel représentent quarante-huit millions.

Outre le progrès économique que nous avons indiqué en commençant, de graves problèmes d’hygiène publique se rattachent à cette immense question, l’égout de Paris.

Paris est entre deux nappes, une nappe d’eau et une nappe d’air. La nappe d’eau, gisante à une assez grande profondeur souterraine, mais déjà tâtée par deux forages, est fournie par la couche de grès vert située entre la craie et le calcaire jurassique ; cette couche peut être représentée par un disque de vingt-cinq lieues de rayon ; une foule de rivières et de ruisseaux y suintent ; on boit la Seine, la Marne, l’Yonne, l’Oise, l’Aisne, le Cher, la Vienne et la Loire dans un verre d’eau du puits de Grenelle. La nappe d’eau est salubre, elle vient du ciel d’abord, de la terre ensuite ; la nappe d’air est malsaine, elle vient de l’égout. Tous les miasmes du cloaque se mêlent à la respiration de la ville ; de là cette mauvaise haleine. L’air pris au-dessus d’un fumier, ceci a été scientifiquement constaté, est plus pur que l’air pris au-dessus de Paris. Dans un temps donné, le progrès aidant, les mécanismes se perfectionnant, et, la clarté se faisant, on emploiera la nappe d’eau à purifier la nappe d’air. C’est-à-dire à laver l’égout. On sait que par lavage de l’égout, nous entendons restitution de la fange à la terre ; renvoi du fumier au sol et de l’engrais aux champs. Il y aura, par ce simple fait, pour toute la communauté sociale, diminution de misère et augmentation de santé. À l’heure où nous sommes, le rayonnement des maladies de Paris va à cinquante lieues autour du