le droit de tuer un homme ; mais je me sens le devoir d’exterminer le mal. J’ai voté la fin du tyran. C’est-à-dire la fin de la prostitution pour la femme, la fin de l’esclavage pour l’homme, la fin de la nuit pour l’enfant. En votant la république, j’ai voté cela. J’ai voté la fraternité, la concorde, l’aurore ! J’ai aidé à la chute des préjugés et des erreurs. Les écroulements des erreurs et des préjugés font de la lumière. Nous avons fait tomber le vieux monde, nous autres, et le vieux monde, vase des misères, en se renversant sur le genre humain est devenu une urne de joie.
— Joie mêlée, dit l’évêque.
— Vous pourriez dire joie troublée, et aujourd’hui, après ce fatal retour du passé qu’on nomme 1814, joie disparue. Hélas ! l’œuvre a été incomplète, j’en conviens ; nous avons démoli l’ancien régime dans les faits, nous n’avons pu entièrement le supprimer dans les idées. Détruire les abus, cela ne suffit pas ; il faut modifier les mœurs. Le moulin n’y est plus, le vent y est encore.
— Vous avez démoli. Démolir peut être utile ; mais je me défie d’une démolition compliquée de colère.
— Le droit a sa colère, monsieur l’évêque, et la colère du droit est un élément du progrès. N’importe, et, quoi qu’on en dise, la révolution française est le plus puissant pas du genre humain depuis l’avènement du Christ. Incomplète, soit, mais sublime. Elle a dégagé toutes les inconnues sociales ; elle a adouci les esprits ; elle a calmé, apaisé, éclairé ; elle a fait couler sur la terre des flots de civilisation. Elle a été bonne. La révolution française, c’est le sacre de l’humanité.