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532 Les Misérables. ― Fantine.  


Jean Valjean se tourna vers lui et lui dit rapidement et très bas :

— Accordez-moi trois jours ! trois jours pour aller chercher l’enfant de cette malheureuse femme. Je payerai ce qu’il faudra. Vous m’accompagnerez si vous voulez.

— Tu veux rire ! cria Javert. Ah çà ! je ne te croyais pas bête ! Tu me demandes trois jours pour t’en aller ! Tu dis que c’est pour aller chercher l’enfant de cette fille ! Ah ! ah ! c’est bon ! voilà qui est bon !

Fantine eut un tremblement.

— Mon enfant ! s’écria-t-elle, aller chercher mon enfant ! Elle n’est donc pas ici ! Ma sœur, répondez-moi ; où est Cosette ? Je veux mon enfant ! Monsieur Madeleine ! monsieur le maire !

Javert frappa du pied.

— Voilà l’autre, à présent ! Te tairas-tu, drôlesse ! Gredin de pays où les galériens sont magistrats et où les filles publiques sont soignées comme des comtesses ! Ah mais ! tout ça va changer ; il était temps !

Il regarda fixement Fantine et ajouta en reprenant à poignée la cravate, la chemise et le collet de Jean Valjean :

— Je te dis qu’il n’y a point de monsieur Madeleine et qu’il n’y a point de monsieur le maire. Il y a un voleur, il y a un brigand, il y a un forçat appelé Jean Valjean ! c’est lui que je tiens ! voilà ce qu’il y a !

Fantine se dressa en sursaut, appuyée sur ses bras roides et sur ses deux mains, elle regarda Jean Valjean, elle regarda Javert, elle regarda la religieuse, elle ouvrit la bouche comme pour parler, un râle sortit du fond de sa