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522 Les Misérables. ― Fantine.  

— Je l’entends ! mon Dieu ! je l’entends !

Elle étendit le bras pour qu’on se tût autour d’elle, retint son souffle, et se mit à écouter avec ravissement.

Il y avait un enfant qui jouait dans la cour ; l’enfant de la portière ou d’une ouvrière quelconque. C’est là un de ces hasards qu’on retrouve toujours et qui semblent faire partie de la mystérieuse mise en scène des événements lugubres. L’enfant — c’était une petite fille — allait, venait, courait pour se réchauffer, riait et chantait à haute voix. Hélas ! à quoi les jeux des enfants ne se mêlent-ils pas ! C’était cette petite fille que Fantine entendait chanter.

— Oh ! reprit-elle, c’est ma Cosette ! je reconnais sa voix !

L’enfant s’éloigna comme il était venu, la voix s’éteignit, Fantine écouta encore quelque temps, puis son visage s’assombrit, et M. Madeleine l’entendit qui disait à voix basse : — Comme ce médecin est méchant de ne pas me laisser voir ma fille ! Il a une mauvaise figure, cet homme-là !

Cependant le fond riant de ses idées revint. Elle continua de se parler à elle-même, la tête sur l’oreiller : — Comme nous allons être heureuses ! Nous aurons un petit jardin, d’abord ! monsieur Madeleine me l’a promis. Ma fille jouera dans le jardin. Elle doit savoir ses lettres maintenant. Je la ferai épeler. Elle courra dans l’herbe après les papillons. Je la regarderai. Et puis elle fera sa première communion. Ah çà ! quand fera-t-elle sa première communion ?

Elle se mit à compter sur ces doigts.

— … Un, deux, trois, quatre… elle a sept ans. Dans cinq ans. Elle aura un voile blanc, des bas à jour, elle aura