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  Contre-coup. 519

— Mon enfant, dit le médecin, calmez-vous. Votre enfant est là.

Les yeux de Fantine s’illuminèrent et couvrirent de clarté tout son visage. Elle joignit les mains avec une expression qui contenait tout ce que la prière peut avoir à la fois de plus violent et de plus doux :

— Oh ! s’écria-t-elle, apportez-la-moi !

Touchante illusion de mère ! Cosette était toujours pour elle le petit enfant qu’on apporte.

— Pas encore, reprit le médecin, pas en ce moment. Vous avez un reste de fièvre. La vue de votre enfant vous agiterait et vous ferait du mal. Il faut d’abord vous guérir.

Elle l’interrompit impétueusement.

— Mais je suis guérie ! je vous dis que je suis guérie ! Est-il âne, ce médecin ! Ah çà ! je veux voir mon enfant, moi !

— Vous voyez, dit le médecin, comme vous vous emportez. Tant que vous serez ainsi, je m’opposerai à ce que vous ayez votre enfant. Il ne suffit pas de la voir, il faut vivre pour elle. Quand vous serez raisonnable, je vous l’amènerai moi-même.

La pauvre mère courba la tête.

— Monsieur le médecin, je vous demande pardon, je vous demande vraiment bien pardon. Autrefois je n’aurais pas parlé comme je viens de faire, il m’est arrivé tant de malheurs que quelquefois je ne sais plus ce que je dis. Je comprends, vous craignez l’émotion, j’attendrai tant que vous voudrez, mais je vous jure que cela ne m’aurait pas fait de mal de voir ma fille. Je la vois, je ne la quitte pas