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  L’affaire Champmathieu. 477

— Elle ne s’ouvrira pas, dit l’huissier.

— Comment ! on ne l’ouvrira pas à la reprise de l’audience ? est-ce que l’audience n’est pas suspendue ?

— L’audience vient d’être reprise, répondit l’huissier, mais la porte ne se rouvrira pas.

— Pourquoi ?

— Parce que la salle est pleine.

— Quoi ! il n’y a plus une place ?

— Plus une seule. La porte est fermée. Personne ne peut plus entrer.

L’huissier ajouta après un silence : — Il y a bien encore deux ou trois places derrière monsieur le président, mais monsieur le président n’y admet que les fonctionnaires publics.

Cela dit, l’huissier lui tourna le dos.

Il se retira la tête baissée, traversa l’antichambre et redescendit l’escalier lentement, comme hésitant à chaque marche. Il est probable qu’il tenait conseil avec lui-même. Le violent combat qui se livrait en lui depuis la veille n’était pas fini ; et, à chaque instant, il en traversait quelque nouvelle péripétie. Arrivé sur le palier de l’escalier, il s’adossa à la rampe et croisa les bras. Tout à coup il ouvrit sa redingote, prit son portefeuille, en tira un crayon, déchira une feuille, et écrivit rapidement sur cette feuille à la lueur du réverbère cette ligne : — M. Madeleine, maire de Montreuil-sur-Mer. Puis il remonta l’escalier à grands pas, fendit la foule, marcha droit à l’huissier, lui remit le papier, et lui dit avec autorité : — Portez ceci à monsieur le président.

L’huissier prit le papier, y jeta un coup d’œil et obéit.