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  L’affaire Champmathieu. 473

étroites où il se perdit. Un bourgeois cheminait avec un falot. Après quelque hésitation, il prit le parti de s’adresser à ce bourgeois, non sans avoir d’abord regardé devant et derrière lui, comme s’il craignait que quelqu’un n’entendît la question qu’il allait faire.

— Monsieur, dit-il, le palais de justice, s’il vous plaît ?

— Vous n’êtes pas de la ville, monsieur ? répondit le bourgeois qui était un assez vieux homme, eh bien, suivez-moi. Je vais précisément du côté du palais de justice, c’est-à-dire du côté de l’hôtel de la préfecture. Car on répare en ce moment le palais, et provisoirement les tribunaux ont leurs audiences à la préfecture.

— Est-ce là, demanda-t-il, qu’on tient les assises ?

— Sans doute, monsieur. Voyez-vous, ce qui est la préfecture aujourd’hui était l’évêché avant la révolution. Monsieur de Conzié, qui était évêque en quatre-vingt-deux, y a fait bâtir une grande salle. C’est dans cette grande salle qu’on juge.

Chemin faisant, le bourgeois lui dit :

— Si c’est un procès que monsieur veut voir, il est un peu tard. Ordinairement les séances finissent à six heures.

Cependant, comme ils arrivaient sur la grande place, le bourgeois lui montra quatre longues fenêtres éclairées sur la façade d’un vaste bâtiment ténébreux.

— Ma foi, monsieur, vous arrivez à temps, vous avez du bonheur. Voyez-vous ces quatre fenêtres ? c’est la cour d’assises. Il y a de la lumière. Donc ce n’est pas fini. L’affaire aura traîné en longueur et on fait une audience du soir. Vous vous intéressez à cette affaire ? Est-ce que c’est un procès criminel ? Est-ce que vous êtes témoin ?