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  L’affaire Champmathieu. 467

— Monsieur le maire est parti.

Fantine se redressa et s’assit sur ses talons. Ses yeux étincelèrent. Une joie inouïe rayonna sur cette physionomie douloureuse.

— Parti ! s’écria-t-elle. Il est allé chercher Cosette !

Puis elle tendit ses deux mains vers le ciel et tout son visage devint ineffable. Ses lèvres remuaient ; elle priait à voix basse.

Quand sa prière fut finie : — Ma sœur, dit-elle, je veux bien me recoucher, je vais faire tout ce qu’on voudra ; tout à l’heure j’ai été méchante, je vous demande pardon d’avoir parlé si haut, c’est très mal de parler haut, je le sais bien, ma bonne sœur ; mais voyez-vous, je suis très contente. Le bon Dieu est bon, monsieur Madeleine est bon, figurez-vous qu’il est allé chercher ma petite Cosette à Montfermeil.

Elle se recoucha, aida la religieuse à arranger l’oreiller et baisa une petite croix d’argent qu’elle avait au cou et que la sœur Simplice lui avait donnée.

— Mon enfant, dit la sœur, tâchez de reposer maintenant, et ne parlez plus.

Fantine prit dans ses mains moites la main de la sœur, qui souffrait de lui sentir cette sueur.

— Il est parti ce matin pour aller à Paris. Au fait il n’a pas même besoin de passer par Paris. Montfermeil, c’est un peu à gauche en venant. Vous rappelez-vous comme il me disait hier quand je lui parlais de Cosette : bientôt, bientôt ! C’est une surprise qu’il veut me faire. Vous savez ? il m’avait fait signer une lettre pour la reprendre aux Thénardier. Ils n’auront rien à dire, pas vrai ? Ils rendront Cosette.