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466 Les Misérables. ― Fantine.  

certaines maladies organiques qui mêle les mouvements libres de la santé à l’effrayante maigreur de la mort, s’était mise à genoux sur son lit, ses deux poings crispés appuyés sur le traversin, et, la tête passée par l’intervalle des rideaux, elle écoutait. Tout à coup elle cria :

— Vous parlez là de monsieur Madeleine ! pourquoi parlez-vous tout bas ? Qu’est-ce qu’il fait ? Pourquoi ne vient-il pas ?

Sa voix était si brusque et si rauque que les deux femmes crurent entendre une voix d’homme ; elles se retournèrent effrayées.

— Répondez donc ! cria Fantine.

La servante balbutia :

— La portière m’a dit qu’il ne pourrait pas venir aujourd’hui.

— Mon enfant, dit la sœur, tenez-vous tranquille, recouchez-vous.

Fantine, sans changer d’attitude, reprit d’une voix haute et avec un accent tout à la fois impérieux et déchirant :

— Il ne pourra venir… Pourquoi cela ? Vous savez la raison. Vous la chuchotiez là entre vous. Je veux le savoir.

La servante se hâta de dire à l’oreille de la religieuse :

— Répondez qu’il est occupé au conseil municipal.

La sœur Simplice rougit légèrement ; c’était un mensonge que la servante lui proposait. D’un autre côté il lui semblait bien que dire la vérité à la malade ce serait sans doute lui porter un coup terrible et que cela était grave dans l’état où était Fantine. Cette rougeur dura peu. La sœur leva sur Fantine son œil calme et triste, et dit :