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432 Les Misérables. ― Fantine.  

Il lui semblait qu’elle était sortie de lui-même et qu’elle parlait à présent en dehors de lui. Il crut entendre les dernières paroles si distinctement qu’il regarda dans la chambre avec une sorte de terreur.

— Y a-t-il quelqu’un ici ? demanda-t-il à haute voix, et tout égaré.

Puis il reprit avec un rire qui ressemblait au rire d’un idiot :

— Que je suis bête ! il ne peut y avoir personne.

Il y avait quelqu’un ; mais celui qui y était n’était pas de ceux que l’œil humain peut voir.

Il posa les flambeaux sur la cheminée.

Alors il reprit cette marche monotone et lugubre qui troublait dans ses rêves et réveillait en sursaut l’homme endormi au-dessous de lui.

Cette marche le soulageait et l’enivrait en même temps. Il semble que parfois dans les occasions suprêmes on se remue pour demander conseil à tout ce qu’on peut rencontrer en se déplaçant. Au bout de quelques instants il ne savait plus où il en était.

Il reculait maintenant avec une égale épouvante devant les deux résolutions qu’il avait prises tour à tour. Les deux idées qui le conseillaient lui paraissaient aussi funestes l’une que l’autre. — Quelle fatalité ! quelle rencontre que ce Champmathieu pris pour lui ! Être précipité justement par le moyen que la providence paraissait d’abord avoir employé pour l’affermir !

Il y eut un moment où il considéra l’avenir. Se dénoncer, grand Dieu ! se livrer ! Il envisagea avec un immense