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Paris. Il composait, dans sa pensée, avec l’éloquence philosophique et pénétrante de Combeferre, l’enthousiasme cosmopolite de Feuilly, la verve de Courfeyrac, le rire de Bahorel, la mélancolie de Jean Prouvaire, la science de Joly, les sarcasmes de Bossuet, une sorte de pétillement électrique prenant feu à la fois un peu partout. Tous à l’œuvre. À coup sûr le résultat répondrait à l’effort. C’était bien. Ceci le fit penser à Grantaire. — Tiens, se dit-il, la barrière du Maine me détourne à peine de mon chemin. Si je poussais jusque chez Richefeu ? Voyons un peu ce que fait Grantaire, et où il en est.

Une heure sonnait au clocher de Vaugirard quand Enjolras arriva à la tabagie Richefeu. Il poussa la porte, entra, croisa les bras, laissant retomber la porte qui vint lui heurter les épaules, et regarda dans la salle pleine de tables, d’hommes et de fumée.

Une voix éclatait dans cette brume, vivement coupée par une autre voix. C’était Grantaire dialoguant avec un adversaire qu’il avait.

Grantaire était assis, vis-à-vis d’une autre figure, à une table de marbre Saint-Anne semée de grains de son et constellée de dominos, il frappait ce marbre du poing, et voici ce qu’Enjolras entendit :

— Double-six.

— Du quatre.

— Le porc ! je n’en ai plus.

— Tu es mort. Du deux.

— Du six.

— Du trois.