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III

PENDANT QUE COSETTE ET TOUSSAINT DORMENT



Jean Valjean rentra avec la lettre de Marius.

Il monta l’escalier à tâtons, satisfait des ténèbres comme le hibou qui tient sa proie, ouvrit et referma doucement sa porte, écouta s’il n’entendait aucun bruit, constata que, selon toute apparence, Cosette et Toussaint dormaient, plongea dans la bouteille du briquet Fumade trois ou quatre allumettes avant de pouvoir faire jaillir l’étincelle, tant sa main tremblait ; il y avait du vol dans ce qu’il venait de faire. Enfin, sa chandelle fut allumée, il s’accouda sur la table, déplia le papier, et lut.

Dans les émotions violentes, on ne lit pas, on terrasse pour ainsi dire le papier qu’on tient, on l’étreint comme une victime, on le froisse, on enfonce dedans les ongles de sa colère ou de son allégresse ; on court à la fin, on saute au commencement ; l’attention a la fièvre ; elle comprend en gros, à peu près, l’essentiel ; elle saisit un point, et tout le reste disparaît. Dans le billet de Marius à Cosette, Jean Valjean ne vit que ces mots :