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LES GRANDEURS DU DÉSESPOIR.

— C’est lui.

Et se tournant vers Marius :

— Mon frère est là. Il ne faut pas qu’il me voie. Il me gronderait.

— Votre frère ! demanda Marius qui songeait dans le plus amer et le plus douloureux de son cœur aux devoirs que son père lui avait légués envers les Thénardier, qui est votre frère ?

— Ce petit.

— Celui qui chante ?

— Oui.

Marius fit un mouvement.

— Oh ! ne vous en allez pas ! dit-elle, cela ne sera pas long à présent !

Elle était presque sur son séant, mais sa voix était très basse et coupée de hoquets. Par intervalles le râle l’interrompait. Elle approchait le plus qu’elle pouvait son visage du visage de Marius. Elle ajouta avec une expression étrange :

— Écoutez, je ne veux pas vous faire une farce. J’ai dans ma poche une lettre pour vous. Depuis hier. On m’avait dit de la mettre à la poste. Je l’ai gardée. Je ne voulais pas qu’elle vous parvînt. Mais vous m’en voudriez peut-être quand nous allons nous revoir tout à l’heure. On se revoit, n’est-ce pas ? Prenez votre lettre.

Elle saisit convulsivement la main de Marius avec sa main trouée, mais elle semblait ne plus percevoir la souffrance. Elle mit la main de Marius dans la poche de sa blouse. Marius y sentit en effet un papier.