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mutuellistes d’Angers et à la Cougourde d’Aix, se réunissait, on l’a vu, au café Musain. Ces mêmes jeunes gens se retrouvaient aussi, nous l’avons dit, dans un restaurant cabaret près de la rue Mondétour qu’on appelait Corinthe. Ces réunions étaient secrètes. D’autres étaient aussi publiques que possible, et l’on peut juger de ces hardiesses par ce fragment d’un interrogatoire subi dans un des procès ultérieurs : — Où se tint cette réunion ? — Rue de la Paix. — Chez qui ? — Dans la rue. — Quelles sections étaient là ? — Une seule. — Laquelle ? — La section Manuel. — Qui était le chef ? — Moi. — Vous êtes trop jeune pour avoir pris tout seul ce grave parti d’attaquer le gouvernement. D’où vous venaient vos instructions ? — Du comité central.

L’armée était minée en même temps que la population, comme le prouvèrent plus tard les mouvements de Belfort, de Lunéville et d’Épinal. On comptait sur le cinquante-deuxième régiment, sur le cinquième, sur le huitième, sur le trente-septième, et sur le vingtième léger. En Bourgogne, et dans les villes du midi on plantait l’arbre de la Liberté, c’est-à-dire un mât surmonté d’un bonnet rouge.

Telle était la situation.

Cette situation, le faubourg Saint-Antoine, plus que tout autre groupe de population, comme nous l’avons dit en commençant, la rendait sensible et l’accentuait. C’est là qu’était le point de côté.

Ce vieux faubourg, peuplé comme une fourmilière, laborieux, courageux et colère comme une ruche, frémissait dans l’attente et dans le désir d’une commotion. Tout s’y agitait sans que le travail fût pour cela interrompu.