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CORINTHE.

— Ah ça, Laigle des oraisons funèbres, ton habit est vieux.

— Je l’espère, repartit Laigle. Cela fait que nous faisons bon ménage, mon habit et moi. Il a pris tous mes plis, il ne me gêne en rien, il s’est moulé sur mes difformités, il est complaisant à tous mes mouvements ; je ne le sens que parce qu’il me tient chaud. Les vieux habits, c’est la même chose que les vieux amis.

— C’est vrai, s’écria Joly entrant dans le dialogue, un vieil habit est un vieil abi.

— Surtout, dit Grantaire, dans la bouche d’un homme enchifrené.

— Grantaire, demanda Laigle, viens-tu du boulevard ?

— Non.

— Nous venons de voir passer la tête du cortège, Joly et moi.

— C’est un spectacle berveilleux, dit Joly.

— Comme cette rue est tranquille ! s’écria Laigle. Qui est-ce qui se douterait que Paris est sens dessus dessous ? Comme on voit que c’était jadis tout couvents par ici ! Du Breul et Sauval en donnent la liste, et l’abbé Lebeuf. Il y en avait tout autour, ça fourmillait, des chaussés, des déchaussés, des tondus, des barbus, des gris, des noirs, des blancs, des franciscains, des minimes, des capucins, des carmes, des petits augustins, des grands augustins, des vieux augustins… — Ça pullulait.

— Ne parlons pas de moines, interrompit Grantaire, cela donne envie de se gratter.

Puis il s’exclama :