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LE 5 JUIN 1832.

rue Geoffroy-Langevin sur la rue Sainte-Avoye. Sans compter d’innombrables barricades dans vingt autres quartiers de Paris, au Marais, à la montagne Sainte-Geneviève ; une, rue Ménilmontant, où l’on voyait une porte cochère arrachée de ses gonds ; une autre près du petit pont de l’Hôtel-Dieu faite avec une écossaise dételée et renversée, à trois cents pas de la préfecture de police.

À la barricade de la rue des Ménétriers, un homme bien mis distribuait de l’argent aux travailleurs. À la barricade de la rue Greneta un cavalier parut et remit à celui qui paraissait le chef de la barricade un rouleau qui avait l’air d’un rouleau d’argent. — Voilà, dit-il, pour payer les dépenses, le vin, et cœtera. Un jeune homme blond, sans cravate, allait d’une barricade à l’autre portant des mots d’ordre. Un autre, le sabre nu, un bonnet de police bleu sur la tête, posait des sentinelles. Dans l’intérieur, en deçà des barricades, les cabarets et les loges de portiers étaient convertis en corps de garde. Du reste l’émeute se comportait selon la plus savante tactique militaire. Les rues étroites, inégales, sinueuses, pleines d’angles et de tournants, étaient admirablement choisies ; les environs des halles en particulier, réseau de rues plus embrouillé qu’une forêt. La Société des Amis du Peuple avait, disait-on, pris la direction de l’insurrection dans le quartier Sainte-Avoye. Un homme tué rue du Ponceau qu’on fouilla avait sur lui un plan de Paris.

Ce qui avait réellement pris la direction de l’émeute, c’était une sorte d’impétuosité inconnue qui était dans l’air. L’insurrection, brusquement, avait bâti les barricades d’une