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LE 5 JUIN 1832.

se mettaient à faire des cartouches. Une de ces femmes a raconté : Je ne savais pas ce que c’était que des cartouches, c’est mon mari qui me l’a dit.

Un rassemblement enfonçait une boutique de curiosités rue des Vieilles-Haudriettes et y prenait des yatagans et des armes turques.

Le cadavre d’un maçon tué d’un coup de fusil gisait rue de la Perle.

Et puis, rive droite, rive gauche, sur les quais, sur les boulevards, dans le pays latin, dans le quartier des halles, des hommes haletants, ouvriers, étudiants, sectionnaires, lisaient des proclamations, criaient : aux armes ! brisaient les réverbères, dételaient les voitures, dépavaient les rues, enfonçaient les portes des maisons, déracinaient les arbres, fouillaient les caves, roulaient des tonneaux, entassaient pavés, moellons, meubles, planches, faisaient des barricades.

On forçait les bourgeois d’y aider. On entrait chez les femmes, on leur faisait donner le sabre et le fusil des maris absents, et l’on écrivait avec du blanc d’Espagne sur la porte : les armes sont livrées. Quelques-uns signaient « de leurs noms » des reçus du fusil et du sabre, et disaient : envoyez-les chercher demain à la mairie. On désarmait dans les rues les sentinelles isolées et les gardes nationaux allant à leur municipalité. On arrachait les épaulettes aux officiers. Rue du Cimetière-Saint-Nicolas, un officier de la garde nationale, poursuivi par une troupe armée de bâtons et de fleurets, se réfugia à grand’peine dans une maison d’où il ne put sortir qu’à la nuit, et déguisé.