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LES DÉSOLATIONS.

pas comment cela s’est fait, j’en suis devenu amoureux. Oh ! comme cela m’a rendu malheureux ! Enfin je la vois maintenant, tous les jours, chez elle, son père ne sait pas, imaginez qu’ils vont partir, c’est dans le jardin que nous nous voyons, le soir, son père veut l’emmener en Angleterre, alors je me suis dit : Je vais aller voir mon grand-père et lui conter la chose. Je deviendrais fou d’abord, je mourrais, je ferais une maladie, je me jetterais à l’eau. Il faut absolument que je l’épouse, puisque je deviendrais fou. Enfin voilà toute la vérité, je ne crois pas que j’aie oublié quelque chose. Elle demeure dans un jardin où il y a une grille, rue Plumet. C’est du côté des Invalides.

Le père Gillenormand s’était assis radieux près de Marius. Tout en l’écoutant et en savourant le son de sa voix, il savourait en même temps une longue prise de tabac. À ce mot, rue Plumet, il interrompit son aspiration, et laissa tomber le reste de son tabac sur ses genoux.

— Rue Plumet ! tu dis rue Plumet ? — Voyons donc ! — N’y a-t-il pas une caserne par là ? — Mais oui, c’est ça. Ton cousin Théodule m’en a parlé. Le lancier, l’officier. — Une fillette, mon bon ami, une fillette ! — Pardieu oui, rue Plumet. C’est ce qu’on appelait autrefois la rue Blomet. — Voilà que ça me revient. J’en ai entendu parler de cette petite de la grille de la rue Plumet. Dans un jardin. Une Paméla. Tu n’as pas mauvais goût. On la dit proprette. Entre nous, je crois que ce dadais de lancier lui a un peu fait la cour. Je ne sais pas jusqu’où cela a été. Enfin ça ne fait rien. D’ailleurs il ne faut pas le croire. Il se vante. Marius ! je trouve ça très bien qu’un jeune homme comme toi soit amoureux.