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LES DÉSOLATIONS.

— Puisque je vais peut-être m’en aller, et que tu ne peux pas venir !

Lui reprit :

— M’aimes-tu ?

Elle lui répondit en sanglotant ce mot du paradis qui n’est jamais plus charmant qu’à travers les larmes :

— Je t’adore !

Il poursuivit avec un son de voix qui était une inexprimable caresse :

— Ne pleure pas. Dis, veux-tu faire cela pour moi de ne pas pleurer ?

— M’aimes-tu, toi ? dit-elle.

Il lui prit la main.

— Cosette, je n’ai jamais donné ma parole d’honneur à personne, parce que ma parole d’honneur me fait peur. Je sens que mon père est à côté. Eh bien, je te donne ma parole d’honneur la plus sacrée que, si tu t’en vas, je mourrai.

Il y eut dans l’accent dont il prononça ces paroles une mélancolie si solennelle et si tranquille que Cosette trembla. Elle sentit ce froid que donne une chose sombre et vraie qui passe. De saisissement elle cessa de pleurer.

— Maintenant écoute, dit-il. Ne m’attends pas demain.

— Pourquoi ?

— Ne m’attends qu’après-demain.

— Oh ! pourquoi ?

— Tu verras.

— Un jour sans te voir ! mais c’est impossible.

— Sacrifions un jour pour avoir peut-être toute la vie.