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LES MISÉRABLES. — L’IDYLLE RUE PLUMET.

mit à visiter la grille comme avait fait Éponine une heure auparavant, empoignant successivement chaque barreau et les ébranlant avec précaution. Il arriva ainsi au barreau que Marius avait descellé. Comme il allait saisir ce barreau, une main sortant brusquement de l’ombre s’abattit sur son bras, il se sentit vivement repoussé par le milieu de la poitrine, et une voix enrouée lui dit sans crier :

— Il y a un cab.

En même temps il vit une fille pâle debout devant lui.

L’homme eut cette commotion que donne toujours l’inattendu. Il se hérissa hideusement ; rien n’est formidable à voir comme les bêtes féroces inquiètes ; leur air effrayé est effrayant. Il recula, et bégaya :

— Quelle est cette drôlesse ?

— Votre fille.

C’était en effet Éponine qui parlait à Thénardier.

À l’apparition d’Éponine, les cinq autres, c’est-à-dire Claquesous, Gueulemer, Babet, Montparnasse et Brujon, s’étaient approchés sans bruit, sans précipitation, sans dire une parole, avec la lenteur sinistre propre à ces hommes de nuit.

On leur distinguait je ne sais quels hideux outils à la main. Gueulemer tenait une de ces pinces courbes que les rôdeurs appellent fanchons.

— Ah ! çà, qu’est-ce que tu fais là ? qu’est-ce que tu nous veux ? es-tu folle ? s’écria Thénardier, autant qu’on peut s’écrier en parlant bas. Qu’est-ce que tu viens nous empêcher de travailler ?