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LES ENCHANTEMENTS.

— Sais-tu ?…

(Dans tout cela, et à travers cette céleste virginité, et sans qu’il fût possible à l’un et à l’autre de dire comment, le tutoiement était venu.)

— Sais-tu ? Je m’appelle Euphrasie.

— Euphrasie ? Mais non, tu t’appelles Cosette.

— Oh ! Cosette est un assez vilain nom qu’on m’a donné comme cela quand j’étais petite. Mais mon vrai nom est Euphrasie. Est-ce que tu n’aimes pas ce nom-là, Euphrasie ?

— Si… — Mais Cosette n’est pas vilain.

— Est-ce que tu l’aimes mieux qu’Euphrasie ?

— Mais… — oui.

— Alors je l’aime mieux aussi. C’est vrai, c’est joli, Cosette. Appelle-moi Cosette.

Et le sourire qu’elle ajoutait faisait de ce dialogue une idylle digne d’un bois qui serait dans le ciel.

Une autre fois elle le regardait fixement et s’écriait :

— Monsieur, vous êtes beau, vous êtes joli, vous avez de l’esprit, vous n’êtes pas bête du tout, vous êtes bien plus savant que moi, mais je vous défie à ce mot-là : je t’aime !

Et Marius, en plein azur, croyait entendre une strophe chantée par une étoile.

Ou bien, elle lui donnait une petite tape parce qu’il toussait, et elle lui disait :

— Ne toussez pas, monsieur. Je ne veux pas qu’on tousse chez moi sans ma permission. C’est très laid de tousser et de m’inquiéter. Je veux que tu te portes bien, parce que d’abord, moi, si tu ne te portais pas bien, je serais très malheureuse. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?