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LES MISÉRABLES. — L’IDYLLE RUE PLUMET.

qui est quelquefois une manière de l’atténuer, on peut nous dire que tous les métiers, toutes les professions, on pourrait presque ajouter tous les accidents de la hiérarchie sociale et toutes les formes de l’intelligence, ont leur argot. Le marchand qui dit : Montpellier disponible ; Marseille belle qualité, l’agent de change qui dit : report, prime, fin courant, le joueur qui dit : tiers et tout, refait de pique, l’huissier des îles normandes qui dit : l’affieffeur s’arrêtant à son fonds ne peut clâmer les fruits de ce fonds pendant la saisie héréditale des immeubles du renonciateur, le vaudevilliste qui dit : on a égayé l’ours[1], le comédien qui dit : j’ai fait four, le philosophe qui dit : triplicité phénoménale, le chasseur qui dit : voileci allais, voileci fuyant, le phrénologue qui dit : amativité, combativité, sécrétivité, le fantassin qui dit : ma clarinette, le cavalier qui dit : mon poulet d’Inde, le maître d’armes qui dit : tierce, quarte, rompez, l’imprimeur qui dit : parlons batio, tous, imprimeur, maître d’armes, cavalier, fantassin, phrénologue, chasseur, philosophe, comédien, vaudevilliste, huissier, joueur, agent de change, marchand, parlent argot. Le peintre qui dit : mon rapin, le notaire qui dit : mon saute-ruisseau, le perruquier qui dit : mon commis, le savetier qui dit : mon gniaf, parlent argot. À la rigueur, et si on le veut absolument, toutes ces façons diverses de dire la droite et la gauche, le matelot bâbord et tribord, le machiniste, côté cour et côté jardin, le bedeau, côté de l’épître et côté de l’évangile, sont de l’argot. Il y a l’argot des mijaurées

  1. On a sifflé la pièce.