Un moment après, Thénardier était dans la rue.
Dès qu’il eut touché le pavé, dès qu’il se sentit hors de danger, il ne fut plus ni fatigué, ni transi, ni tremblant ; les choses terribles dont il sortait s’évanouirent comme une fumée, toute cette étrange et féroce intelligence se réveilla, et se trouva debout et libre, prête à marcher devant elle. Voici quel fut le premier mot de cet homme :
— Maintenant, qui allons-nous manger ?
Il est inutile d’expliquer le sens de ce mot affreusement transparent qui signifie tout à la fois tuer, assassiner et dévaliser. Manger, sens vrai : dévorer.
— Rencognons-nous bien, dit Brujon. Finissons en trois mots, et nous nous séparerons tout de suite. Il y avait une affaire qui avait l’air bonne rue Plumet, une rue déserte, une maison isolée, une vieille grille pourrie sur un jardin, des femmes seules.
— Eh bien ! pourquoi pas ? demanda Thénardier.
— Ta fée[1], Éponine, a été voir la chose, répondit Babet.
— Et elle a apporté un biscuit à Magnon, ajouta Gueulemer. Rien à maquiller là[2].
— La fée n’est pas loffe[3], fit Thénardier. Pourtant il faudra voir.
— Oui, oui, dit Brujon, il faudra voir.
Cependant aucun de ces hommes n’avait plus l’air de voir Gavroche qui, pendant ce colloque, s’était assis sur une des bornes de la palissade ; il attendit quelques instants, peut-