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— Les souris ?

— Oui, les rats.

L’enfant, consterné de ces souris qui mangent les chats, poursuivit :

— Monsieur, est-ce qu’elles nous mangeraient, ces souris-là ?

— Pardi ! fit Gavroche.

La terreur de l’enfant était au comble. Mais Gavroche ajouta :

— N’eïlle pas peur ! ils ne peuvent pas entrer. Et puis je suis là ! Tiens, prends ma main. Tais-toi, et pionce !

Gavroche en même temps prit la main du petit par-dessus son frère. L’enfant serra cette main contre lui et se sentit rassuré. Le courage et la force ont de ces communications mystérieuses. Le silence s’était refait autour d’eux, le bruit des voix avait effrayé et éloigné les rats ; au bout de quelques minutes ils eurent beau revenir et faire rage, les trois mômes, plongés dans le sommeil, n’entendaient plus rien.

Les heures de la nuit s’écoulèrent. L’ombre couvrait l’immense place de la Bastille, un vent d’hiver qui se mêlait à la pluie soufflait par bouffées, les patrouilles furetaient les portes, les allées, les enclos, les coins obscurs, et, cherchant les vagabonds nocturnes, passaient silencieusement devant l’éléphant ; le monstre, debout, immobile, les yeux ouverts dans les ténèbres, avait l’air de rêver comme satisfait de sa bonne action, et abritait du ciel et des hommes les trois pauvres enfants endormis.

Pour comprendre ce qui va suivre, il faut se souvenir qu’à cette époque le corps de garde de la Bastille était situé