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— Ça te change, dit Gavroche, tu es moins laid, tu devrais garder toujours ça.

Montparnasse était joli garçon, mais Gavroche était railleur.

— Sans rire, demanda Montparnasse, comment me trouves-tu ?

C’était aussi un autre son de voix. En un clin d’œil, Montparnasse était devenu méconnaissable.

— Oh ! Fais-nous Porrichinelle ! s’écria Gavroche.

Les deux petits, qui n’avaient rien écouté jusque-là, occupés qu’ils étaient eux-mêmes à fourrer leurs doigts dans leur nez, s’approchèrent à ce nom et regardèrent Montparnasse avec un commencement de joie et d’admiration.

Malheureusement Montparnasse était soucieux.

Il posa sa main sur l’épaule de Gavroche et lui dit en appuyant sur les mots :

— Écoute ce que je te dis, garçon, si j’étais sur la place, avec mon dogue, ma dague et ma digue, et si vous me prodiguiez dix gros sous, je ne refuserais pas d’y goupiner[1], mais nous ne sommes pas le mardi gras.

Cette phrase bizarre produisit sur le gamin un effet singulier. Il se retourna vivement, promena avec une attention profonde ses petits yeux brillants autour de lui, et aperçut, à quelques pas, un sergent de ville qui leur tournait le dos. Gavroche laissa échapper un : ah, bon ! qu’il réprima sur-le-champ, et, secouant la main de Montparnasse :

— Eh bien, bonsoir, fit-il, je m’en vas à mon éléphant

  1. Travailler.