Page:Hugo - Les Misérables Tome IV (1890).djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rible, en cheveux blancs ! Ah ! mon pauvre enfant, tu fais fausse route, la fainéantise te conseille mal ; le plus rude des travaux, c’est le vol. Crois-moi, n’entreprends pas cette pénible besogne d’être un paresseux. Devenir un coquin, ce n’est pas commode. Il est moins malaisé d’être honnête homme. Va maintenant, et pense à ce que je t’ai dit. À propos, que voulais-tu de moi ? Ma bourse ? La voici.

Et le vieillard, lâchant Montparnasse, lui mit dans la main sa bourse, que Montparnasse soupesa un moment ; après quoi, avec la même précaution machinale que s’il l’eût volée, Montparnasse la laissa glisser doucement dans la poche de derrière de sa redingote.

Tout cela dit et fait, le bonhomme tourna le dos et reprit tranquillement sa promenade.

— Ganache ! murmura Montparnasse.

Qui était ce bonhomme ? le lecteur l’a sans doute deviné.

Montparnasse, stupéfait, le regarda disparaître dans le crépuscule. Cette contemplation lui fut fatale.

Tandis que le vieillard s’éloignait, Gavroche s’approchait.

Gavroche, d’un coup d’œil de côté, s’était assuré que le père Mabeuf, endormi peut-être, était toujours assis sur le banc. Puis le gamin était sorti de sa broussaille, et s’était mis à ramper dans l’ombre en arrière de Montparnasse immobile. Il parvint ainsi jusqu’à Montparnasse sans en être vu ni entendu, insinua doucement sa main dans la poche de derrière de la redingote de fin drap noir, saisit la bourse, retira sa main, et, se remettant à ramper, fit une évasion de couleuvre dans les ténèbres. Montparnasse, qui n’avait aucune raison d’être sur ses gardes et qui songeait