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et beaucoup de petits enfants ranimés et réchauffés, Cosette, le soir, était un peu gaie. Ce fut à cette époque qu’ils firent visite au bouge Jondrette.

Le lendemain même de cette visite, Jean Valjean parut le matin dans le pavillon, calme comme à l’ordinaire, mais avec une large blessure au bras gauche, fort enflammée, fort venimeuse, qui ressemblait à une brûlure et qu’il expliqua d’une façon quelconque. Cette blessure fit qu’il fut plus d’un mois avec la fièvre sans sortir. Il ne voulut voir aucun médecin. Quand Cosette l’en pressait : Appelle le médecin des chiens, disait-il.

Cosette le pansait matin et soir avec un air si divin et un si angélique bonheur de lui être utile, que Jean Valjean sentait toute sa vieille joie lui revenir, ses craintes et ses anxiétés se dissiper, et contemplait Cosette en disant : Oh ! la bonne blessure ! Oh ! le bon mal !

Cosette, voyant son père malade, avait déserté le pavillon, et avait repris goût à la petite logette et à l’arrière-cour. Elle passait presque toutes ses journées près de Jean Valjean, et lui lisait les livres qu’il voulait. En général, des livres de voyages. Jean Valjean renaissait ; son bonheur revivait avec des rayons ineffables ; le Luxembourg, le jeune rôdeur inconnu, le refroidissement de Cosette, toutes ces nuées de son âme s’effaçaient. Il en venait à se dire : J’ai imaginé tout cela. Je suis un vieux fou.

Son bonheur était tel, que l’affreuse trouvaille des Thénardier, faite au bouge Jondrette, et si inattendue, avait en quelque sorte glissé sur lui. Il avait réussi à s’échapper, sa piste, à lui, était perdue, que lui importait le reste ! il n’y