Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/487

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelque chose d’étrange qui était l’égarement sinistre du lieu.

— Sortons vite d’ici, cria Fauchelevent.

Il fouilla dans sa poche, et en tira une gourde dont il s’était pourvu.

— Mais d’abord la goutte ! dit-il.

La gourde acheva ce que le grand air avait commencé. Jean Valjean but une gorgée d’eau-de-vie et reprit pleine possession de lui-même.

Il sortit de la bière, et aida Fauchelevent à en reclouer le couvercle.

Trois minutes après, ils étaient hors de la fosse.

Du reste Fauchelevent était tranquille. Il prit son temps. Le cimetière était fermé. La survenue du fossoyeur Gribier n’était pas à craindre. Ce « conscrit » était chez lui, occupé à chercher sa carte, et bien empêché de la trouver dans son logis puisqu’elle était dans la poche de Fauchelevent. Sans carte, il ne pouvait rentrer au cimetière.

Fauchelevent prit la pelle et Jean Valjean la pioche, et tous deux firent l’enterrement de la bière vide.

Quand la fosse fut comblée, Fauchelevent dit à Jean Valjean :

— Venons-nous-en. Je garde la pelle ; emportez la pioche.

La nuit tombait.

Jean Valjean eut quelque peine à se remuer et à marcher. Dans cette bière il s’était roidi et était devenu un peu cadavre. L’ankylose de la mort l’avait saisi entre ces quatre planches. Il fallut, en quelque sorte, qu’il se dégelât du sépulcre.