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presque autant. Fauchelevent devint comme de pierre, pâle, hagard, bouleversé par tous ces excès d’émotions, ne sachant s’il avait affaire à un vivant ou à un mort, regardant Jean Valjean qui le regardait :

— Je m’endormais, dit Jean Valjean.

Et il se mit sur son séant.

Fauchelevent tomba à genoux.

— Juste bonne Vierge ! m’avez-vous fait peur !

Puis il se releva et cria :

— Merci, père Madeleine !

Jean Valjean n’était qu’évanoui. Le grand air l’avait réveillé.

La joie est le reflux de la terreur. Fauchelevent avait presque autant à faire que Jean Valjean pour revenir à lui.

— Vous n’êtes donc pas mort ! Oh ! comme vous avez de l’esprit, vous ! Je vous ai tant appelé que vous êtes revenu. Quand j’ai vu vos yeux fermés, j’ai dit : bon ! le voilà étouffé. Je serais devenu fou furieux, vrai fou à camisole. On m’aurait mis à Bicêtre. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse si vous étiez mort ? Et votre petite ! c’est la fruitière qui n’y aurait rien compris ! On lui campe l’enfant sur les bras, et le grand-père est mort ! Quelle histoire ! mes bons saints du paradis, quelle histoire ! Ah ! vous êtes vivant, voilà le bouquet.

— J’ai froid, dit Jean Valjean.

Ce mot rappela complètement Fauchelevent à la réalité, qui était urgente. Ces deux hommes, même revenus à eux, avaient, sans s’en rendre compte, l’âme trouble, et en eux