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Fauchelevent demeura béant. Il eut à peine la force de bégayer :

— Mais ce n’est pas possible !

— Cela est.

— Mais, reprit-il faiblement, le fossoyeur, c’est le père Mestienne.

— Après Napoléon, Louis XVIII. Après Mestienne, Gribier. Paysan, je m’appelle Gribier.

Fauchelevent, tout pâle, considéra ce Gribier.

C’était un homme long, maigre, livide, parfaitement funèbre. Il avait l’air d’un médecin manqué tourné fossoyeur.

Fauchelevent éclata de rire.

— Ah ! comme il arrive de drôles de choses ! le père Mestienne est mort. Le petit père Mestienne est mort, mais vive le petit père Lenoir ! Vous savez ce que c’est que le petit père Lenoir ? C’est le cruchon du rouge à six sur le plomb. C’est le cruchon du Suresne, morbigou ! du vrai Suresne de Paris ! Ah ! il est mort, le vieux Mestienne ! J’en suis fâché ; c’était un bon vivant. Mais vous aussi, vous êtes un bon vivant. Pas vrai, camarade ? Nous allons aller boire ensemble un coup, tout à l’heure.

L’homme répondit : — J’ai étudié. J’ai fait ma quatrième. Je ne bois jamais.

Le corbillard s’était remis en marche et roulait dans la grande allée du cimetière.

Fauchelevent avait ralenti son pas. Il boitait plus encore d’anxiété que d’infirmité.

Le fossoyeur marchait devant lui.