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Bruxelles, chez la duchesse de Richmond, et Soult, rude homme de guerre avec une figure d’archevêque, avait dit : Le bal, c’est aujourd’hui. L’empereur avait plaisanté Ney qui disait : Wellington ne sera pas assez simple pour attendre votre majesté. C’était là d’ailleurs sa manière. Il badinait volontiers, dit Fleury de Chaboulon. Le fond de son caractère était une humeur enjouée, dit Gourgaud. Il abondait en plaisanteries, plutôt bizarres que spirituelles, dit Benjamin Constant. Ces gaîtés de géants valent la peine qu’on y insiste. C’est lui qui avait appelé ses grenadiers « les grognards » ; il leur pinçait l’oreille, il leur tirait la moustache. L’empereur ne faisait que nous faire des niches ; ceci est un mot de l’un d’eux. Pendant le mystérieux trajet de l’île d’Elbe en France, le 27 février, en pleine mer, le brick de guerre français le Zéphir ayant rencontré le brick l’Inconstant où Napoléon était caché et ayant demandé à l’Inconstant des nouvelles de Napoléon, l’empereur, qui avait encore en ce moment-là à son chapeau la cocarde blanche et amarante semée d’abeilles, adoptée par lui à l’île d’Elbe, avait pris en riant le porte-voix et avait répondu lui-même : L’empereur se porte bien. Qui rit de la sorte est en familiarité avec les événements. Napoléon avait eu plusieurs accès de rire pendant le déjeuner de Waterloo. Après le déjeuner il s’était recueilli un quart d’heure, puis deux généraux s’étaient assis sur la botte de paille, une plume à la main, une feuille de papier sur le genou, et l’empereur leur avait dicté l’ordre de bataille.

À neuf heures, à l’instant où l’armée française, échelonnée et mise en mouvement sur cinq colonnes, s’était