Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/406

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Là, chez eux, que font-ils ?

Ils parlent bas ; ils baissent les yeux ; ils travaillent. Ils renoncent au monde, aux villes, aux sensualités, aux plaisirs, aux vanités, aux orgueils, aux intérêts. Ils sont vêtus de grosse laine ou de grosse toile. Pas un d’eux ne possède en propriété quoi que ce soit. En entrant là, celui qui était riche se fait pauvre. Ce qu’il a, il le donne à tous. Celui qui était ce qu’on appelle noble, gentilhomme et seigneur, est l’égal de celui qui était paysan. La cellule est identique pour tous. Tous subissent la même tonsure, portent le même froc, mangent le même pain noir, dorment sur la même paille, meurent sur la même cendre. Le même sac sur le dos, la même corde autour des reins. Si le parti pris est d’aller pieds nus, tous vont pieds nus. Il peut y avoir là un prince, ce prince est la même ombre que les autres. Plus de titres. Les noms de famille même ont disparu. Ils ne portent que des prénoms. Tous sont courbés sous l’égalité des noms de baptême. Ils ont dissous la famille charnelle et constitué dans leur communauté la famille spirituelle. Ils n’ont plus d’autres parents que tous les hommes. Ils secourent les pauvres, ils soignent les malades. Ils élisent ceux auxquels ils obéissent. Ils se disent l’un à l’autre : mon frère.

Vous m’arrêtez, et vous vous écriez : — Mais c’est là le couvent idéal !

Il suffit que ce soit le couvent possible, pour que j’en doive tenir compte.

De là vient que, dans le livre précédent, j’ai parlé d’un couvent avec un accent respectueux. Le moyen âge écarté, l’Asie écartée, la question historique et politique réservée,