Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.

semblaient intervertis. C’était lui, intrus, qui interrogeait.

— Et qu’est-ce que c’est que cette sonnette que vous avez au genou ?

— Ça ? répondit Fauchelevent, c’est pour qu’on m’évite.

— Comment ! pour qu’on vous évite ?

Le vieux Fauchelevent cligna de l’œil d’un air inexprimable.

— Ah dame ! il n’y a que des femmes dans cette maison-ci ; beaucoup de jeunes filles. Il paraît que je serais dangereux à rencontrer. La sonnette les avertit. Quand je viens, elles s’en vont.

— Qu’est-ce que c’est que cette maison-ci ?

— Tiens, vous savez bien.

— Mais non, je ne sais pas.

— Puisque vous m’y avez fait placer jardinier !

— Répondez-moi comme si je ne savais rien.

— Eh bien, c’est le couvent du Petit-Picpus donc !

Les souvenirs revenaient à Jean Valjean. Le hasard, c’est-à-dire la providence, l’avait jeté précisément dans ce couvent du quartier Saint-Antoine où le vieux Fauchelevent, estropié par la chute de sa charrette, avait été admis sur sa recommandation, il y avait deux ans de cela. Il répéta comme se parlant à lui-même :

— Le couvent du Petit-Picpus !

— Ah çà, mais au fait, reprit Fauchelevent, comment diable avez-vous fait pour y entrer, vous, père Madeleine ? Vous avez beau être un saint, vous êtes un homme, et il n’entre pas d’hommes ici.

— Vous y êtes bien.