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de mort. Ce criminel avait refusé de se pourvoir en cassation. Le roi, dans son inépuisable clémence, a daigné commuer sa peine en celle des travaux forcés à perpétuité. Jean Valjean a été immédiatement dirigé sur le bagne de Toulon. »

On n’a pas oublié que Jean Valjean avait à Montreuil-sur-Mer des habitudes religieuses. Quelques journaux, entre autres le Constitutionnel, présentèrent cette commutation comme un triomphe du parti prêtre.

Jean Valjean changea de chiffre au bagne. Il s’appela 9430.

Du reste, disons-le pour n’y plus revenir, avec M. Madeleine la prospérité de Montreuil-sur-Mer disparut ; tout ce qu’il avait prévu dans sa nuit de fièvre et d’hésitation se réalisa ; lui de moins, ce fut en effet l’âme de moins. Après sa chute, il se fit à Montreuil-sur-Mer ce partage égoïste des grandes existences tombées, ce fatal dépècement des choses florissantes qui s’accomplit tous les jours obscurément dans la communauté humaine et que l’histoire n’a remarqué qu’une fois, parce qu’il s’est fait après la mort d’Alexandre. Les lieutenants se couronnent rois ; les contre-maîtres s’improvisèrent fabricants. Les rivalités envieuses surgirent. Les vastes ateliers de M. Madeleine furent fermés, les bâtiments tombèrent en ruine, les ouvriers se dispersèrent. Les uns quittèrent le pays, les autres quittèrent le métier. Tout se fit désormais en petit, au lieu de se faire en grand ; pour le lucre, au lieu de se faire pour le bien. Plus de centre ; la concurrence partout, et l’acharnement. M. Madeleine domi-