là, dans cette lumière et dans cette ombre, tout un petit
monde nouveau et vieux, bouffon et triste, juvénile et sénile,
se frottant les yeux ; rien ne ressemble au réveil comme le
retour ; groupe qui regardait la France avec humeur et que
la France regardait avec ironie ; de bons vieux hiboux marquis
plein les rues, les revenus et les revenants, des « ci-devant »
stupéfaits de tout, de braves et nobles gentilshommes
souriant d’être en France et en pleurant aussi, ravis
de revoir leur patrie, désespérés de ne plus retrouver leur
monarchie ; la noblesse des croisades conspuant la noblesse
de l’empire, c’est-à-dire la noblesse de l’épée ; les races
historiques ayant perdu le sens de l’histoire ; les fils des
compagnons de Charlemagne dédaignant les compagnons de
Napoléon. Les épées, comme nous venons de le dire, se renvoyaient
l’insulte ; l’épée de Fontenoy était risible et n’était
qu’une rouillarde ; l’épée de Marengo était odieuse et n’était
qu’un sabre. Jadis méconnaissait Hier. On n’avait plus le
sentiment de ce qui était grand, ni le sentiment de ce qui
était ridicule. Il y eut quelqu’un qui appela Bonaparte
Scapin. Ce monde n’est plus. Rien, répétons-le, n’en reste
aujourd’hui. Quand nous en tirons par hasard quelque figure
et que nous essayons de le faire revivre par la pensée, il
nous semble étrange comme un monde antédiluvien. C’est
qu’en effet il a été lui aussi englouti par un déluge. Il a
disparu sous deux révolutions. Quels flots que les idées !
Comme elles couvrent vite tout ce qu’elles ont mission de
détruire et d’ensevelir, et comme elles font promptement
d’effrayantes profondeurs !
Telle était la physionomie des salons de ces temps loin-