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chesses, les plus délicates et les plus charmantes femmes du monde, s’y extasiaient sur des couplets comme celui-ci adressé « aux fédérés » :


Renfoncez dans vos culottes
Le bout d’ chemis’ qui vous pend.
Qu’on n’ dis’ pas qu’ les patriotes
Ont arboré l’drapeau blanc !


On s’y amusait à des calembours qu’on croyait terribles, à des jeux de mots innocents qu’on supposait venimeux, à des quatrains, même à des distiques ; ainsi sur le ministère Dessolles, cabinet modéré dont faisaient partie MM. Decazes et Deserre :

Pour raffermir le trône ébranlé sur sa base,
Il faut changer de sol, et de serre et de case.

Ou bien on y façonnait la liste de la chambre des pairs, « chambre abominablement jacobine », et l’on combinait sur cette liste des alliances de noms, de manière à faire, par exemple, des phrases comme celle-ci : Damas, Sabran, Gouvion Saint-Cyr ; le tout gaîment.

Dans ce monde-là on parodiait la révolution. On avait je ne sais quelles velléités d’aiguiser les mêmes colères en sens inverse. On chantait son petit Ça ira :

Ah ! ça ira ! ça ira ! ça ira !
Les buonapartist’ à la lanterne !

Les chansons sont comme la guillotine ; elles coupent indifféremment, aujourd’hui cette tête-ci, demain celle-là. Ce n’est qu’une variante.