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grès ; les dogmes libérateurs qu’il forge sont pour les générations des épées de chevet, et c’est avec l’âme de ses penseurs et de ses poètes que sont faits depuis 1789 tous les héros de tous les peuples ; cela ne l’empêche pas de gaminer ; et ce génie énorme qu’on appelle Paris, tout en transfigurant le monde par sa lumière, charbonne le nez de Bouginier au mur du temple de Thésée et écrit Crédeville voleur sur les Pyramides.

Paris montre toujours les dents ; quand il ne gronde pas, il rit.

Tel est ce Paris. Les fumées de ses toits sont les idées de l’univers. Tas de boue et de pierres si l’on veut, mais, par-dessus tout, être moral. Il est plus que grand, il est immense. Pourquoi ? parce qu’il ose.

Oser ; le progrès est à ce prix.

Toutes les conquêtes sublimes sont plus ou moins des prix de hardiesse. Pour que la révolution soit, il ne suffit pas que Montesquieu la pressente, que Diderot la prêche, que Beaumarchais l’annonce, que Condorcet la calcule, qu’Arouet la prépare, que Rousseau la prémédite ; il faut que Danton l’ose.

Le cri : Audace ! est un Fiat lux. Il faut, pour la marche en avant du genre humain, qu’il y ait sur les sommets, en permanence, de fières leçons de courage. Les témérités éblouissent l’histoire et sont une des grandes clartés de l’homme. L’aurore ose quand elle se lève. Tenter, braver, persister, persévérer, s’être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance