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LE MAUVAIS PAUVRE.

cloué au mur, c’était là qu’elle allait. Elle se haussa sur la pointe des pieds et s’y regarda. On entendait un bruit de ferrailles remuées dans la pièce voisine.

Elle lissa ses cheveux avec la paume de sa main et fit des sourires au miroir tout en chantonnant de sa voix cassée et sépulcrale :


Nos amours ont duré toute une semaine.
Ah ! que du bonheur les instants sont courts !
S’adorer huit jours, c’était bien la peine !
Le temps des amours devrait durer toujours !
Devrait durer toujours ! devrait durer toujours !

Cependant Marius tremblait. Il lui semblait impossible qu’elle n’entendît pas sa respiration.

Elle se dirigea vers la fenêtre et regarda dehors en parlant haut avec cet air à demi fou qu’elle avait.

— Comme Paris est laid quand il a mis une chemise blanche ! dit-elle.

Elle revint au miroir et se fit de nouveau des mines, se contemplant successivement de face et de trois quarts.

— Eh bien ! cria le père, qu’est-ce que tu fais donc ?

— Je regarde sous le lit et sous les meubles, répondit-elle en continuant d’arranger ses cheveux, il n’y a personne.

— Cruche ! hurla le père. Ici tout de suite ! et ne perdons pas le temps.

— J’y vas ! j’y vas ! dit-elle. On n’a le temps de rien dans leur baraque !

Elle fredonna :


Vous me quittez pour aller à la gloire,
Mon triste cœur suivra partout vos pas.