Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/381

Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
LES MISÉRABLES. — MARIUS.

— Vois donc les yeux qu’il fait ! reprit Courfeyrac.

— Mais qui diable suit-il ?

— Quelque mimi-goton-bonnet-fleuri ! il est amoureux.

— Mais, observa Bossuet, c’est que je ne vois pas de mimi, ni de goton, ni de bonnet-fleuri dans la rue. Il n’y a pas une femme.

Courfeyrac regarda, et s’écria :

— Il suit un homme !

Un homme en effet, coiffé d’une casquette, et dont on distinguait la barbe grise quoiqu’on ne le vît que de dos, marchait à une vingtaine de pas en avant de Marius.

Cet homme était vêtu d’une redingote toute neuve trop grande pour lui et d’un épouvantable pantalon en loques tout noirci par la boue.

Bossuet éclata de rire.

— Qu’est-ce que c’est que cet homme-là ?

— Ça ? reprit Courfeyrac, c’est un poëte. Les poëtes portent assez volontiers des pantalons de marchands de peaux de lapin et des redingotes de pairs de France.

— Voyons où va Marius, fit Bossuet, voyons où va cet homme, suivons-les, hein ?

— Bossuet ! s’écria Courfeyrac, aigle de Meaux ! vous êtes une prodigieuse brute. Suivre un homme qui suit un homme !

Ils rebroussèrent chemin.

Marius en effet avait vu passer Jondrette rue Mouffetard, et l’épiait.

Jondrette allait devant lui sans se douter qu’il y eût déjà un regard qui le tenait.