Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/378

Cette page a été validée par deux contributeurs.
369
LE MAUVAIS PAUVRE.

— Pas plus que de vous ! répliqua rudement Marius qui commençait à remarquer que ce mouchard ne lui avait pas encore dit monsieur.

L’inspecteur regarda Marius plus fixement encore et reprit avec une sorte de solennité sentencieuse :

— Vous parlez là comme un homme brave et comme un homme honnête. Le courage ne craint pas le crime, et l’honnêteté ne craint pas l’autorité.

Marius l’interrompit :

— C’est bon ; mais que comptez-vous faire ?

L’inspecteur se borna à lui répondre :

— Les locataires de cette maison-là ont des passe-partout pour rentrer la nuit chez eux. Vous devez en avoir un ?

— Oui, dit Marius.

— L’avez-vous sur vous ?

— Oui.

— Donnez-le moi, dit l’inspecteur.

Marius prit sa clef dans son gilet, la remit à l’inspecteur, et ajouta :

— Si vous m’en croyez, vous viendrez en force.

L’inspecteur jeta sur Marius le coup d’œil de Voltaire à un académicien de province qui lui eût proposé une rime ; il plongea d’un seul mouvement ses deux mains, qui étaient énormes, dans les deux poches de son carrick, et en tira deux petits pistolets d’acier, de ces pistolets qu’on appelle coups de poing. Il les présenta à Marius en disant vivement et d’un ton bref :

— Prenez ceci. Rentrez chez vous. Cachez-vous dans votre chambre. Qu’on vous croie sorti. Ils sont chargés.

roman. — vii.
47