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Il était grave et brusque. Son regard parcourait rapidement tous les recoins du galetas.

On eût dit un général qui fait les derniers préparatifs au moment où la bataille va commencer.

La mère, qui n’avait pas encore dit un mot, se souleva et demanda d’une voix lente et sourde et dont les paroles semblaient sortir comme figées :

— Chéri, qu’est-ce que tu veux faire ?

— Mets-toi au lit, répondit l’homme.

L’intonation n’admettait pas de délibération. La mère obéit et se jeta lourdement sur un des grabats.

Cependant on entendait un sanglot dans un coin.

— Qu’est-ce que c’est ? cria le père.

La fille cadette, sans sortir de l’ombre où elle s’était blottie, montra son poing ensanglanté. En brisant la vitre elle s’était blessée ; elle s’en était allée près du grabat de sa mère, et elle pleurait silencieusement.

Ce fut le tour de la mère de se dresser et de crier :

— Tu vois bien les bêtises que tu fais ! en cassant ton carreau, elle s’est coupée !

— Tant mieux ! dit l’homme, c’était prévu.

— Comment ? tant mieux ? reprit la femme.

— Paix ! répliqua le père, je supprime la liberté de la presse.

Puis, déchirant la chemise de femme qu’il avait sur le corps, il fit un lambeau de toile dont il enveloppa vivement le poignet sanglant de la petite.

Cela fait, son œil s’abaissa sur la chemise déchirée avec satisfaction.