Bahorel était un être de bonne humeur et de mauvaise compagnie, brave, panier percé, prodigue et rencontrant la générosité, bavard et rencontrant l’éloquence, hardi et rencontrant l’effronterie ; la meilleure pâte de diable qui fût possible ; ayant des gilets téméraires et des opinions écarlates ; tapageur en grand, c’est-à-dire n’aimant rien tant qu’une querelle, si ce n’est une émeute, et rien tant qu’une émeute, si ce n’est une révolution ; toujours prêt à casser un carreau, puis à dépaver une rue, puis à démolir un gouvernement, pour voir l’effet ; étudiant de onzième année. Il flairait le droit, mais il ne le faisait pas. Il avait pris pour devise : avocat jamais, et pour armoiries une table de nuit dans laquelle on entrevoyait un bonnet carré. Chaque fois qu’il passait devant l’école de droit, ce qui lui arrivait rarement, il boutonnait sa redingote, le paletot n’était pas encore inventé, et il prenait des précautions hygiéniques. Il disait du portail de l’école : quel beau vieillard ! et du doyen, M. Delvincourt : quel monument ! Il voyait dans ses cours des sujets de chansons et dans ses professeurs des occasions de caricatures. Il mangeait à rien faire une assez grosse pension, quelque chose comme trois mille francs. Il avait des parents paysans auxquels il avait su inculquer le respect de leur fils.
Il disait d’eux : Ce sont des paysans, et non des bourgeois ; c’est pour cela qu’ils ont de l’intelligence.
Bahorel, homme de caprice, était épars sur plusieurs cafés ; les autres avaient des habitudes, lui n’en avait pas. Il flânait. Errer est humain, flâner est parisien. Au fond, esprit pénétrant, et penseur plus qu’il ne semblait.