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lumineusement en perspective devant sa prunelle visionnaire ; il vit chacun de ces deux groupes d’événements et d’hommes se résumer dans deux faits énormes ; la république dans la souveraineté du droit civique restituée aux masses, l’empire dans la souveraineté de l’idée française imposée à l’Europe ; il vit sortir de la révolution la grande figure du peuple et de l’empire la grande figure de la France. Il se déclara dans sa conscience que tout cela avait été bon.

Ce que son éblouissement négligeait dans cette première appréciation beaucoup trop synthétique, nous ne croyons pas nécessaire de l’indiquer ici. C’est l’état d’un esprit en marche que nous constatons. Les progrès ne se font pas tous en une étape. Cela dit, une fois pour toutes, pour ce qui précède comme pour ce qui va suivre, nous continuons.

Il s’aperçut alors que jusqu’à ce moment il n’avait pas plus compris son pays qu’il n’avait compris son père. Il n’avait connu ni l’un ni l’autre, et il avait eu une sorte de nuit volontaire sur les yeux. Il voyait maintenant ; et d’un côté il admirait, de l’autre il adorait.

Il était plein de regrets, et de remords, et il songeait avec désespoir que tout ce qu’il avait dans l’âme, il ne pouvait plus le dire maintenant qu’à un tombeau. Oh ! si son père avait existé, s’il l’avait eu encore, si Dieu dans sa compassion et dans sa bonté avait permis que ce père fût encore vivant, comme il aurait couru, comme il se serait précipité, comme il aurait crié à son père : Père ! me voici ! c’est moi ! j’ai le même cœur que toi ! je suis ton fils ! Comme il aurait embrassé sa tête blanche, inondé ses cheveux de lar-